De son premier métier d’éducateur dans les quar- tiers sensibles, Arno Brignon a conservé le sens du dialogue avec ses modèles, y compris dans des photographies négociées. Il aime intervenir en ré- sidence, au GRAPh de Carcassonne Il a collaboré avec différents publics, le groupe des femmes mal voyantes, des femmes gitanes et des résidents en foyers après un temps sans domicile fixe. Il les a ini- tiés à ses outils favoris un appareil photographique amateur et des films argentiques périmés.
L’art d’Arno Brignon c’est de réussir à traduire photographiquement cette question de la place du père, beaucoup plus complexe, plus ambiguë qu’il n’y parait ! C’est pourquoi le flou ici, qu’il soit de mise au point, de bougé, ou de matière, n‘a rien d’un effet esthétique gratuit .Il dit fortement ce trouble qui s’empare du géniteur quand il se trouve confronté à la présence, au regard de ce qu’il a participé à mettre au monde. Les décadrages, les basculements de champ, les regards qui coulissent de Joséphine, aux présences et objets qui l’entourent, du centre vers la périphérie, du dehors vers le dedans disent bien cette forme d’inquiétude du père et que le photographe traduit en une sorte d’errance visuelle. Quant aux couleurs de cet album , nous sommes très loin des doux pastels qui du bleu au rose nous bercent d’il- lusions. Ici violentes sont les oppositions du vert au jaune, de l’orange au mauve, et de ces rouges qui font tâches jusque dans l’eau du bain…
Non le monde d’Arno Brignon n’est pas tranquille, il a cette inquiétante étrangeté chère à André Breton mais il est beau comme la rencontre fortuite sur une table à langer de deux regards qui se cherchent , deux êtres qui s’envisagent à tâtons et que le temps finira par révéler.